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Maroc: Haut-Atlas, anti-Atlas et désert
Relais routier à Imi n'Fri, Demnate
10 novembre 2024. Arrivés hier soir à Marrakech, nous avons rasé les murs avec nos sacs pour éviter les scooters slalomant dans la médina. Ce matin, en route! Sur des kilomètres de plat, des scintillements et des flocons blancs attirent le regard: verre brisé et sacs de plastique... Premier arrêt près d'un pont naturel sculpté par l'érosion. Plus que ses stalactites, les couleurs acidulées du petit café me fascinent avec, au beau milieu, un tableau représentant le Rien! Ne suis-je pas venu ici faire une cure d'immensité?...
En route pour les dunes de Chegaga
...Une immensité qui ressemblerait à ça...
Dunes de Chegaga
... enfin, plutôt à ça. Mais là j'anticipe sur la suite du voyage.
Briefing matinal
Avant tout, quelques présentations. Le monsieur au chapeau qui pointe la carte est Thierry Basset, géologue et volcanologue. Il allie compétence, sens pédagogique et - c'est important pour l'ignare que je suis - humour. À ses côtés se trouvent Anne-Lise, Anne-Marie, Antoinette et Danielle. Que des femmes? Non: notre groupe de douze personnes respecte une parité des sexes équitable.
Sissi
Si Thierry Basset a conçu ce voyage traversant le Haut-Atlas et l'anti-Atlas pour nous amener dans le désert à deux pas de la frontière algérienne, l'organisation sur place (hébergements, chauffeurs, chameliers et cuisiniers-accompagnateurs) est maîtrisée - parfaitement - par Sissi de Giuli-Jadid, qui aime son pays d'adoption et partage cet amour. Pour tous les membres du groupe, elle devient simplement "Sissi".
Erg Zerg
Le premier jour, me voici placé dans le 4x4 à côté de Grégoire, qui se présente comme philosophe, concentrant ses réflexions actuelles sur l'IA (intelligence artificielle). Moins titillé que lui par ce thème, je prête une oreille plus attentive à Sissi, qui lit "L'intelligence des plantes" (Stefano Mancuso et Alessandra Viola). Futés, les fragiles végétaux: ils règlent leur croissance en anticipant les pluies à venir ou lâchent des graines à germination différenciée pour augmenter les chances de survie de l'espèce en cas de sécheresse... J'ignore pas le nom de la plante ci-dessus mais admire ses fleurs et feuilles quasi microscopiques.
Dunes de Chegaga
Derrière Sissi, vous avez vu Ibrahim sur une image précédente. Entrevu plutôt. Normal, Ibrahim-le-fonceur marche vite, tant pis pour les traînards. Le voilà déjà au sommet de la dune. Ho! attends-nous...
Ibrahim, oasis de Mdaouar Kebir
Quand je l'interroge une première fois sur l'état actuel du Maroc, Ibrahim reste évasif. Dix jours plus tard, il mène un chaud débat avec Sissi sur les séquelles du colonialisme français - plus court et moins poussé qu'en Algérie. Ibrahim récuse le terme même de protectorat - "contre quoi ils nous protégeaient, les Français?" - démonte le rôle plus qu'ambigu joué par Thami El Glaoui en 1953. La discussion zigzague aussi sur le chômage (taux officiel: 20%), l'économie informelle, ceux qui paient des impôts et les autres... J'y relève néanmoins cette phrase: "Il y a aussi de bonnes choses qui se font". Compliment appréciable dans la bouche d'un mâle alpha.
Montée vers le col de Tizi n'Aït Imi
Nos cinq Toyota Land Cruiser traversent les villages en coup de vent, comme un convoi de ministres pressés. Aux saluts des gamins pour qui nous sommes une distraction, on aimerait répondre en faisant halte, en se posant dans un coin d'ombre pour observer la vie qui suit encore le trottinement de l'âne...
Douar Ibaqalliwn
...Mais c'est impossible, bien sûr. Nous avons notre ration de kilomètres à avaler (1500 environ en quinze jours) pour satisfaire notre boulimie de découvertes.
Bus de ramassage scolaire, Aït bou Guemez
Donc: se lever tôt avant le petit-déjeuner et flâner, humer un peu l'air du lieu. Un groupe de jeunes filles (modérément) voilées attend le minibus qui les emmène à l'école. Je leur demande si je peux les photographier. "Non!" répond l'une d'entre elles, regard ferme et moqueur. Je les salue et les entends pouffer de rire dans mon dos.
Contreforts du Haut-Atlas
Comme nos impressions changent vite! En approchant le plus haute chaîne de montagnes marocaine, je trouvais le paysage relativement aride. Or il le devient davantage au fur et à mesure que nous progressons vers le sud. Quatorze jours plus tard, quand nous repasserons ces montagnes dans l'autre sens, je me surprendrai à faire cette réflexion: "tiens, c'est nettement plus vert ici".
Douar Ibaqalliwn
Pour l'instant, nous traversons "la vallée heureuse" (Aït Bou Guemez), dont les vergers en terrasses ou le long des oueds s'enflamment au soleil rasant de novembre.
Aït bou Guemez
Cageots pour la récolte des fruits. Maisons de béton poussant à côté du riad en pisé. Nid de cigogne sur le tour du muezzin.
Site fossilifère de Fezouata
Mais revenons à l'objet principal de notre voyage, la géologie, et à notre guide Thierry Basset, l'homme qui fait parler les cailloux. Euh, non, pas celui-ci dont la forme m'intrigue, mais dont l'intérêt géologique est mince...
Roche cristallisée, "dyke" de Foum Zguid
...Cette roche magmatique cristallisée, en revanche, raconte une histoire. Celle d'un filon de lave remonté des profondeurs quand les plaques tectoniques se sont distendues il y a quelques 200 millions d'années pour ouvrir, en trois mouvements, l'océan Atlantique. Telle une lame de couteau, cette émergence large de quelques dizaines de mètres à peine s'étend sur quelque 200 kilomètres, traversant différentes couches géologiques, ce qui en fait un des exemples les plus remarquables de "dykes" sur la planète.
Traces de dinosaures, géoparc M'Goun et Douar Ibaqalliwn
Ils ont vécu il y a quelque 160 millions d'années, marché sur un sol argileux que des sédiments (de crues, par exemple) ont recouvert. Puis la montagne s'est plissée soulevée. Ensuite, l'érosion a agi comme un lent révélateur, faisant réapparaître cette fascinante "photographie" d'un lointain passé, gravée dans le sol. Les traces à trois doigts sont probablement celles d'un Megalosauripus, un théropode bipède d’une taille moyenne de 1.5 à 2 mètres. Plus grande, l'empreinte ovale pourrait appartenir à un sauropode géant qui pouvait atteindre une hauteur de 20 mètres et peser 50 tonnes.
Gîte-auberge de Aït Bou Guemez
Le salon en plein air
Gîte-auberge de Aït Bou Guemez
Filaments de lumière
Douar Ibaqalliwn
Maison traditionnelle aux murs en pisé.
Ferme à Douar Ibaqalliwn
Le village a bénéficié d'un projet-pilote encourageant la restauration des maisons selon les méthodes traditionnelles, en y amenant l'eau courante, des sanitaires et un chauffe-eau solaire.
Col Tizi n'Aït Imi (2905 m.)
La neige a eu la bonne idée de poudrer les plus hauts sommets du Haut-Atlas, dont le Irhil M'Goun à 4071 m. juste avant notre arrivée.
Gravures rupestres du Tizi n'Thigist (2399m.)
Montagne-refuge, sanctuaire et pâturage, le djebel Rhat bénéficiait entre 4500 et 2300 avant notre ère d'un climat plus humide et plus chaud que l'actuel. Un pèlerinage atteste, aujourd'hui encore, d'une occupation très ancienne (entre - 2500 à - 500) de ce magnifique plateau où ont été découvertes dans les années 1950 des gravures rupestres polies ou piquetées sur ses tables de grès rose à la patine bleutée. Elles représentent des animaux (panthère, lézard), des disques-boucliers, pointes de javelots et petits cavaliers libyco-berbères, parfois armés. Peu protégées, elles ont été parfois vandalisées ou "complétées" par des "artistes" improvisés mais n'en restent pas moins émouvantes sous la lumière rasante.
Col de Tizi n'Aït Ahmed (3005 m.).
Arrivé en même temps que nous au col, ce berger sera presque aussi rapide à en redescendre en ligne droite que nos Jeep négociant les lacets d'une route dangereuse, perpétuellement menacée par d'énormes rochers en équilibre précaire sous lesquels on n'aimerait pas s'attarder.
Hamid, Mustapha, Mohammed, Abdul, Omar, Saïd (de g. à dr.)
À propos de véhicules, je n'ai pas encore présenté nos chauffeurs dont le doigté fait merveille dans les pistes ravinées par les pluies exceptionnelles de l'automne 2024. Les 4x4 ne leur appartiennent pas, ils en sont responsables et en prennent le plus grand soin. Au milieu d'eux se trouve notre cuisinier, Abdul.
© Jean-Claude Péclet. Reproduction soumise à autorisation.
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