Fleurier - gorges de l'Areuse à vélo
Fleurier est une étape de mon pèlerinage personnel sur les traces d'Edouard Bovet, génial horloger établi à Canton dans les années 1820, et dont le succès commercial contribua de façon décisive à la prospérité du Val-de-Travers au 19ème siècle. Ayant déjà raconté le destin extraordinaire de "Bovet-de-Chine", de sa jeune épouse (?) chinoise - son identité et son état civil restent inconnus à ce jour - et de leur fils Edouard-Georges, né en 1826 à Macao avant de revenir à Fleurier, c'est essentiellement sur cette ville de 3500 habitants, étape d'une boucle vélocipédique de deux jours (Grandson-Mauborget-Fleurier-gorges de l'Areuse-Grandson) que je me concentre ici.
Quelques repères démographiques résument l'histoire récente de Fleurier: la bourgade compte 460 habitants en 1750; 840 en 1800; ce chiffre va plus que quadrupler à 3746 en 1900 - avant de stagner, voire de régresser jusqu'au nouveau millénaire, où la démographie "repique". C'est en grande partie l'horlogerie, introduite par Jacques-Henri Vaucher vers 1730, qui explique la transformation de ce bourg agricole en un centre industriel très actif, au rayonnement international. S'y développent ainsi au fil du 19ème et 20ème siècles une fabrique de gants, une tuilerie, une imprimerie, un laboratoire de produits thérapeutiques d'origine végétale, huit distilleries d'absinthe, une usine à gaz, une manufacture de tabacs, une fabrique d'allumettes, une manufacture de confection, une entreprise de construction de bicyclettes où est née en 1914 la marque Allegro, une manufacture de bonneterie, une fabrique de bacs de batteries en ébonite, un laboratoire de produits cosmétiques...
L'importance des "montres chinoises" de Bovet ne saurait cependant être sous-estimée dans ce développement, donnant du travail à des dizaines d'ateliers de sous-traitants qui ne manquèrent pas de se plaindre haut et fort quand les idées républicaines d'Edouard Bovet (Neuchâtel était alors sous domination prussienne) le contraignirent à un assez long exil en France voisine.
L'image ci-dessus montre le "palais" que se fit construire Edouard Bovet à son retour de Chine. Il abrite aujourd'hui l'Hôtel de Ville.
Non loin se trouve la maison natale (photo ci-dessus) de Charles Édouard Guillaume (1861 - 1938), un physicien qui obtint le prix Nobel de physique de 1920 « en reconnaissance du service qu'il a rendu en métrologie en découvrant des anomalies dans les aciers de nickel ». Ses recherches en métallurgie, précieuses à l'horlogerie toujours soucieuse de précision, ont donné des alliages sophistiqués connus sous différents noms: l’Elinvar, « Métélinvar », « Nivarox » ou « Isoval ».
Et comme si un Nobel ne suffisait pas pour une ville de taille somme toute modeste, Fleurier en compte un second, un autre Bovet: Daniel Bovet, nobélisé en 1957 pour ses découvertes sur «les produits de synthèse qui inhibent l'action de certaines substances de l'organisme et plus spécialement leur action sur le système vasculaire et les muscles du squelette». Autrement dit pour ses recherches sur les antihistaminiques et les curarisants de synthèse, des substances qui servent notamment à traiter certaines réactions allergiques comme le rhume des foins, par exemple.
Le long de la Grand Rue, on trouve l'ancienne pharmacie et l'ancienne pension Beauregard, témoins du développement urbain de Fleurier au 19ème siècle. Le tourisme y était aussi fleurissant, on y compta jusqu'à 400 lits dans différents établissements.
Le Buttes, affluent de l'Areuse
Cour du Collège
Quartier du Pasquier, où l'architecture urbaine se mêle à celle des fermes traditionnelles du Jura
Le temple
L'Areuse entre Môtiers et La Presta
Ancien wagonnet transportant l'asphalte des mines de La Presta. Découvertes en 1711 par le savant grac Eyrini d'Eyrinis, ces mines furent exploitées - notamment par une société britannique, mais aussi par l'industriel Philippe Suchard - pendant près de trois siècles, jusque dans les années 1980. Au fil des décennies, le réseau des galeries s'est développé sur une centaine de kilomètres. Composée de calcaire et de bitume (résidu lourd de pétrole), l'asphalte du Val-de-Travers fut utilisée non seulement sur les routes, mais pour ses propriétés étanches dans d'autres domaines (construction, etc.). Deux millions de tonnes ont été ainsi arrachées à la montagne par les ouvriers - souvent venus d'Italie du Nord - et exportées dans le monde entier. Les mines étaient les plus grandes de ce type en Europe. Aujourd'hui, les galeries inférieures sont inondées tandis que les supérieures se visitent.
Transporteur dans les galeries de La Presta. L'engin pesait une vingtaine de tonnes, auxquelles s'ajoutait le poids du minerai extrait.
La statue, la "coccinelle", la faucheuse et le corbillard...: une brocante en plein air à Noiraigue, à l'entrée des gorges de l'Areuse.
L'hôtel de la Truite au Champ du Moulin, gorges de l'Areuse.
Fleurier-Champ du Moulin, 17 et 18 juin 2024. Leica M11 + Summicron 35mm. f2
© Jean-Claude Péclet. Reproduction soumise à autorisation.