Un apéro UDC

La légende veut que, découvrant la photo d'une conseillère fédérale attendant un tram dans la rue, des Japonais se soient étonnés que les ministres suisses fassent installer une ligne de transport privée pour relier leur domicile au bureau: ils ne pouvaient pas imaginer que des politiciens si haut placés utilisent tout bonnement les transports publics, sans garde du corps pour les protéger.

​

C'était il y a longtemps. Depuis, les soucis de sécurité ont gagné la Confédération comme les autres pays, et les conseillers fédéraux ne se déplacent plus sans une escorte plus ou moins discrète. Pourtant, la tradition de convivialité et de contact direct avec la population se maintient. En septembre 2014, une photo de Didier Burkhalter, alors président en exercice de la Confédération et de l'OSCE, avant fait le tour du monde. Prise par mon ex-collègue Serge Jubin, elle montrait le politicien en train de pianoter sur son téléphone mobile, sur le quai de la gare de Neuchâtel, sans que personne pensât à le déranger.

​

Pas plus tard que ce vendredi 28 mars 2025, l'UDC vaudoise invitait par voie d'annonce dans "Lausanne-Cité" la population à partager le verre de l'amitié avec ses élus locaux, cantonaux, et pas moins de deux conseillers fédéraux membres du parti: Albert Rösti et Guy Parmelin. Me trouvant en ville à ces heures-là, j'ai pointé le nez de mon Leica sur la place de la Palud où - ô ironie - un fanion rouge planté à côté de la tente UDC invitait un groupe de militants socialistes à visiter l'hôtel de Ville. Le syndic  de Lausanne (socialiste aussi, candidat à réélection), allait-il montrer le sien, de nez, pour accueillir les hauts représentants d'un parti qui ne partage pas du tout les mêmes idées? Il est venu, ô pas longtemps, et tout s'est déroulé fort civilement.

​

Comme promis, on m'a offert un bout de cervelas grillé et une tranche de pain sur un petit carton à bords cannelés, le tout arrosé d'un verre de blanc. Et quand Guy Parmelin et Albert Rösti sont arrivés, j'ai pu leur serrer la louche sans que personne ne me demande qui j'étais et ce que je faisais là. Mieux: les journaux ayant annoncé le voyage à Washington d'une haute fonctionnaire du Secrétariat à l'économie pour sonder les intentions de la fantasque administration Trump, j'ai demandé à Guy Parmelin ce qu'avait donné cette visite; il a pris trois minutes pour m'en résumer l'essentiel.

​

À la santé de la Suisse et de ses traditions!