Baci da Augusta Praetorium Sallasorium
Il avait tout juste, Auguste.
C'est du moins ce que pensent les historiens auscultant l'Empire romain. Lui qui refusa d'abord de porter un titre monarchique et se baptisa simplement "Princeps Civitatis (« Premier de la Cité »), fut le grand consolidateur de cette puissance en devenir, agitée de soubresauts. Il assainit la taxation, développa les voies de communications et la poste, établit une armée permanente aux frontières. Bref, il mit de l'ordre, sans oublier de consolider son pouvoir et de soigner son image de marque: sa statue reproduite à maints exemplaires, avec se signes distinctifs et ses célèbres boucles de cheveux, est devenue emblématique de l'empire.
Parmi les sites stratégiques figurait l'actuelle Aoste, région alors occupée par la tribu celte des Salasses qui exploitait des mines d'or et contrôlait le passage des cols du Petit et Grand-Saint-Bernard. Logiquement, les Romains voulurent en prendre possession, ce qui fut fait après la victoire de Aulus Terentius Varro Murena en 25 av. JC. Ils y installèrent trois mille colons pour lesquels fut constrtuite une ville de belles dimensions, Augusta Praetoria Salassorum. Théâtre, amphithéâtre, forum, thermes, remparts et arc de triomphe, adduction d'eau, rien ne manquait à ce quadrilatère d'environ huit "insulae" sur huit développée selon un plan rigoureux. Le Musée d'archéologie d'Aoste, enrichi de découvertes les plus récentes (notamment des tombes exhumées en 2015) et sa maquette de la ville sont une excellente introduction à cette histoire, que l'on peut ensuite retracer, de la splendeur romaine aux premières églises paléo-chrétiennes, dans un périmètre qui se parcourt facilement à pied.
Mais combien de Suisses romands qui se rendent volontiers à Martigny, de l'autre côté du col, l'ont-ils fait? J'appartenais à la catégorie des ignorants jusqu'à cette fin d'octobre 2022. La Société vaudoise d'Histoire et d'archéologie ayant eu l'excellente idée d'organiser une visite guidée sous la conduite experte du professeur Michel Fuchs, j'en reviens plus instruit, admiratif des trouvailles récentes qui augmentent nos connaissances sur cette période, charmé par une ville accueillante.
Les images que j'en rapporte ne correspondent pas forcément aux accents majeurs de la visite. Il s'agit, comme toujours, d'impressions subjectives mêlant les symboles du passé, des scènes de rues, des détails soulignés par la lumière d'automne. Et, à propos de lumière, comment ne pas remercier cette soeur - malheureusement, aucun de nous n'a eu le réflexe de demander son nom - qui nous a reçus de son regard malicieux dans le couvent occupant l'espace de l'ancien amphithéâtre. Elle devait nous dire quelques phrases de présentation, nous sommes restés une bonne heure à l'entendre dérouler un récit où s'enchaînent sans discontinuité les efforts des bâtisseurs romains et l'habileté du jardinier actuel qui, par la magie de la greffe, fait pousser sur le même arbre des pêches, des abricots et des pruneaux.
Verger magique, antichambre du paradis. Nous y serions bien restés.
Aosta, 20 et 30 octobre 2022. Fuji X100V-
© Jean-Claude Péclet 2022. Reproduction soumise à autorisation.