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Élections valaisannes

Entre ces deux images, quatre ans d'écart. La première a été prise le 3 mars 2013. Nous sommes au premier tour des élections valaisannes. Meilleur élu avec plus de 53 000 voix, Oskar Freysinger va faire une entrée tonitruante au gouvernement. Sur la photographie de gauche, un verre de rouge posé devant lui, il prend connaissance des premiers résultats, très encourageants, dans le Haut-Valais.

Sur la seconde photo, prise ce dimanche 5 mars 2017, il a même manteau. Le verre de rouge a été remplacé par un Rivella, des lunettes garnnissent le nez du conseiller d'Etat. Cette fois, les résultats ne sont pas bons du tout. Protégé par un cordon de fidèles contre la meute des photographes, Oskar Freysinger reste longtemps dans ce recoin de la Croix-Fédérale avant d'affronter les médias et sa contre-performance.

Quatorze heures, "stamm" du PDC au Carré, rue de Conthey. Les stratèges du parti scrutent une batterie d'écrans où s'affichent les résultats des premières communes. Ils leurs sont favorables. On reconnaît la forte implantation locale du PDC au fait que les sections transmettent leurs propres chiffres, confirmés ensuite par ceux du canton. Aucune autre formation ne dispose d'un système aussi sophistiqué. Les projections vont bon train.

14 heures 30, devant la Croix Fédérale. Le rédacteur en chef du Nouvelliste, Vincent Fragnière, conclut une discussion aigre-douce avec un cadre de l'UDC. La campagne a été dure, l'UDC l'a qualifié de "grand inquisiteur" et appelé ses membres à se désabonner du quotidien. Il n'en reste pas moins indispensable. D'un "stamm" à l'autre, Vincent Fragnière discute avec tout le monde, amène les nouvelles des autres partis, élabore des scénarios, souriant et à l'affût. Il est partout, au courant de tout, craint et courtisé à la fois, un vrai capitaine de navire.

A la rue de Conthey, il échange quelques mots avec une preneuse d'images de Canal 9, la chaîne locale de télévision qu'il a aussi dirigée, et les dernières nouvelles sur les résultats qui continuent de tomber. Omniprésence du téléphone portable.

Les trois candidats PDC sont en tête. Le sortant Jacques Melly se dévoue pour les premières interviews, sur le mode: "Mon bilan parle pour moi, on a essayé de le ternir, mais sans succès. Je ne suis jamais entré dans le jeu des attaques personnelles, ceux qui l'ont fait ont été sanctionnés par les électeur." Suivez mon pouce, dit le langage corporel, qui indique la direction du "stamm" de l'UDC.

C'est ce qui rend les élections valaisannes particulières et fascinantes. Tout s'y joue dans un rayon de 200 mètres, entre la rue de Conthey et celle du Grand-Pont, on est accueilli partout sans façons, tout le monde ou presque se connaît.

Accueillant, disais-je? La chancellerie cantonale a pitié des journalistes qui courent d'un quartier général à l'autre. La salle de presse de l'Espace Porte de Conthey, transformé en centre médias, est réapprovisionnée régulièrement en sandwiches et en pommes valaisannes bien sûr, comme en atteste le logo.

15 heures, les mauvais résultats du mouvement Ensemble à droite se confirment, en particulier pour le colistier d'Oskar Freysinger Nicolas Voide, transfuge du PDC, qui a perdu toute chance de décrocher un siège au Conseil d'Etat. Il s'agit pour lui de trouver la langue de bois adéquate en commentant son échec face aux journalistes. Ses doigts qui se croisent et se recroisent dans son dos en disent plus long que ses phrases préparées.

L'avantage de suivre ces élections en photographe "touriste" est que l'on peut mieux observer les ex-collègues journalistes au travail. J'ai toujours été frappé par le sourire que décrochent certains aux vainqueurs. Cette jeune dame a carrément l'air d'être une groupie de l'écologiste Thierry Largey, qui a réalisé un score honorable.

Le porte-parole de la police Jean-Marie Bornet est le candidat-trublion de cette élection, rôle qu'avait occupé son chef politique Oskar Freysinger il y a quatre ans. Les quelque 17 000 voix qu'il a récoltées sont bien en-dessous de ce dont le créditait un sondage RTS, mais l'intéressé n'en est pas moins satisfait de ses débuts en politique. Sur le plateau de Rhône FM, il essuie ses lunettes avant de répondre aux questions.

Au sous-sol de la Maison socialiste, acquise en 1974 par Albert Dussex et possédée en parts de coopérative par les camarades du parti, le conseiller national Mathias Reynard et les militants évoquent, sourire en coin, les discussions animées qui doivent se tenir entre Esther Waeber-Kalbermatten, conseillère d'Etat sortante, et le conseiller national Stéphane Rossini, également candidat. 

Tout semble indiquer que le second va faire un très bon score et peut-être même dépasser Oskar Freysinger, talonnant sa colistière pourtant soutenue massivement par le Haut-Valais. Que va faire le parti si c'est le cas: présenter les deux candidats au second tour, même si cela ne correspond ni à sa force électorale, ni à la sociologie politique du canton? Ou sacrifier le moins bien élu des deux au réalisme politique?

Carine, cheffe de plateau de Canal 9, donne des instructions à une assistante. Installés à la Brasserie du Grand-Pont, les studios diffusent en direct depuis dix heures du matin jusque tard en soirée. C'est le lieu de passage obligé pour tous les politiciens, quel qu'ait été leur score.

Entre 16 heures 30 et 17 heures, alors qu'on attend encore les résultats de Martigny et surtout de Sion, l'homme du jour fait son apparition rue de Conthey. Christophe Darbellay est déjà sûr d'entrer au gouvernement, les projections permettent de penser qu'il va être le mieux élu du premier tour - ce qui sera le cas. Son parti a serré les rangs et cartonné. L'heure de régler les comptes avec celui qui a essayé de diviser le PDC - Oskar Freysinger - a sonné. Christophe Darbellay se concentre avant une interview à la télévision.

Le grand Christophe Darbellay, au sens propre du terme, dans la "position interview" que lui connaissent bien les journalistes. Le spectacle est maintenant dans la rue. Le beau temps du début d'après-midi a cédé la place à une pluie d'abord fine, puis plus tenace.

Interview terminée, Esther Waeber-Kalbermatten quitte le studio de la RTS. A gauche, le photographe du Matin Christian Bonzon.

17 heures et des poussières, les résultats de Martigny et Sion sont tombés. Ils confirment le tiercé PDC en tête, suivi... des deux socialistes Esther Waeber-Kalbermatten et Stéphane Rossini. Oskar Freysinger n'est que sixième avec 23 000 voix de moins qu'en 2013 et, à ce stade, non réélu. Cette fois, il doit quitter sa tanière de la Croix-Fédérale et affronter les questions, à commencer par celles de Rhône FM. Malgré la chaleur du studio, il n'a pas quitté son manteau. Observez la séquence d'images, les expressions du visage et les gestes de la main traduisent l'enchaînement des réactions:

1. Désarroi. Le candidat élude la question sur l'hypothèse d'un vote-sanction suite à ses positions extrêmes et son bilan mitigé.

2. Victimisation. "Dès que j'ai été élu, j'ai eu à subir des attaques de toutes parts".

3. Contre-attaque et lâchage du colistier. "Quand je me suis présenté seul, j'ai fait un bien meilleur score. C'est juste un constat."

4. Sur la dernière image, Oskar Freysinger s'est recomposé une assurance, fidèle à son personnage. "Je me présenterai au second tour, c'est sûr. On ne se débarrasse pas de la mauvaise herbe si facilement."

18 heures, tout s'accélère. Toutes les TV veulent interviewer les candidats en même temps pour tenir leurs délais, les journalistes de presse écrite courent après une dernière citation avant de se mettre au clavier. Dans le studio de Canal 9, on s'observe en chiens de faïence ou on attend son tour.

18 heures 30. Le regard de la soirée, celui qu'adresse Stéphane Rossini à Esther Waeber-Kalbermatten. Le parti socialiste décidera le lendemain qui il envoie au second tour. En attendant, le but de l'exercice est de répondre aux questions des journalistes avec les formules les plus neutres possible.

19 heures. Le suspense est terminé pour ce soir, les journalistes compulsent leurs notes, les candidats vont célébrer leur victoire ou digérer leur défaite en petit comité, la pluie achève de disperser les badauds rue de Conthey.

Les images de cette série ont été réalisées avec un Leica M10, objectifs 50mm. Apo-Summicron et 35mm Summicron.

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